Le chant des deux terres et des deux mers
~
~
Qu’ai-je vu
quand j’ai ouvert les yeux ?
Dis
Ô mémoire
dis ce que j’ai vu
dis-le moi encore !
« Tu as vu le sud
et allongée sur lui
la montagne
comme une poignée de mains
qui scelle deux terres
Un pont de roches bleues
jeté
entre deux mers
Au-dessus
le ciel azur d’Espagne
et au-devant
les collines viridantes de France »
Qu’ai-je entendu
alors ?
Dis-moi
Ô mémoire
dis-moi ce que j’ai entendu
« Tu as entendu le vent
qui connaît
dans toutes les langues
les histoires
des guerres, des famines
des exils
des déchirures, des amours
et des noces
Le vent
qui porte aussi
la voix des bergers
le chant des montagnards
des moineaux et des cochevis
Le vent
qui joue
de la guitare dans les averses
chargées parfois
du sable d’une arène
où galopent des toros célestes
aux cornes chargées
de terreur et de gloire »
Alors
Ô mémoire
qu’ai-je respiré
qu’ai-je senti ?
Dis
dis-le moi encore !
« Tu as respiré
les parfums de la distance
charriés par ce vent tiède
comme le ventre d’une amante
Tu l’as senti effleurer ta peau
caresse, mains invisibles
d’un amour en promesses »
Ainsi je vais au sud
J’épouse la distance
Pour trouver cet amour en promesses
Errance éternelle errance
ne connaît ni maison
ni repos
hors du poème
J’embrasse
les chemins du chant
qui délie
l’entrave des frontières
Et
dans mon chant
brille
une poignée de mains
entre une terre et l’autre
un pont
entre une mer et l’autre.
*
Le vagabond
~
~
Je ne possède aucune terre
Sauf l'errance
Encore moins de territoire
Et j'ignore mon itinéraire
Je ne possède aucune terre
Ni dedans, ni dehors
Ni horizon, ni ciel
Et le ciel, qui possède
Le ciel ?
Un pas
Une lumière nouvelle
Un pas
Une lumière qui s'éteint
Murmure de la mémoire
Echo des étoiles perdues
Murmure de la mémoire
Tout l'horizon
Derrière mes épaules
Il n'y a que l'oubli
Pour sécher les rivières
L'oubli
Quand le reflet se tait
L'oubli
Quand la souffrance coagule
Je connais
L'ornière du doute
Je la connais
Je connais
Le méandre des rides
Je le connais
L'espoir meurtri
D'un bout à l'autre
Du regard
Je vais, seul, je vais
Sous la conduite
De mon ombre
Joindre mon ombre à l'ombre
Où cessera la marche
Où tombera le vagabond.
*
Terre
Te retrouverai-je un jour
terre de mon enfance ?
Terre de montagne
de collines, de gaves
de rêve
à perte d’imagination et d’espoir
Sentirai-je encore
le parfum des fenaisons
d’un mois de juillet pyrénéen?
Le sentirai-je vraiment
comme je le sentais alors ?
Sentirai-je encore
l’odeur de vase
des berges du gave
dans le matin d’albâtre
d’un creux de Béarn?
Je t’ai perdue
sans jamais te quitter
Le temps
c’est le temps
qui t’as ravie à moi
La marche sans repos
des jours
Intangible terre
je te croyais à prendre
tu es insaisissable
et mystérieuse
comme les oiseaux migrateurs
qui sillonnent tes automnes
Lorsque je repasse par la vallée
dans l’odeur du foin coupé
je sais que je t’ai perdue
Lorsque je marche dans les collines
parmi le bruissement des arbres
Et des ruisseaux
je sais que je t’ai perdue
Lorsque j’entends
la mélodie de tes averses
le chant de tes nuages
sous les cordes de ma guitare
je sais que je t’ai perdue
Quelle tristesse m’envahit
alors
d’avoir vécu trop vite
d’avoir vécu déjà
Non, oh non
je ne t’ai pas perdue
ma terre !
Je te porte en moi
je te réinvente chaque jour
je te porte dans mon chant
Ce n’est pas toi
ce n’est pas toi
que j’ai perdue
C’est mon enfance
c’est mon enfance
Elle qui attendait tant
d’aujourd’hui
Cet aujourd’hui
qui sans trêve la cherche
Enfance, mon enfance
te retrouverai-je
échouée
sur la grève d’un poème ?
Entre les galets gris et bleus et blancs
comme des mots roulés
par les flots incertains
Te retrouverai-je
dans un dernier songe clair ?
*
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